100 — 9 août — O Pedrouso Santiago 21,8 km
Ce matin, j’ai été réveillé avent 6 heures par le brouhaha de la rue. En effet, le parcours du camino passe juste sous la fenêtre de mon gîte et c’est l’heure de pointe pour le départ des pèlerins, ce fut un flux continu dans une ambiance me rappelle celle de la nuit pendant les 24 heures de roller à Quiberon. Vers 7 heures le calme est revenu. Je n’ai rien changé à mes habitudes quelques soient mes appréhensions au matin de cette dernière étape. Après dix heures, je me suis installé tranquillement à la terrasse d’un café, comme je le fais régulièrement. Au bout de 10 minutes, la jeune femme assise deux tables plus loin m’interpelle, c’était Monica de Sao Paulo qui faisait une pause après les 21 kilomètres qu’elle avait déjà dans les jambes depuis Arzúa qu’elle avait quitté dès 6 heures ce matin. J’étais ravi, je ne serai pas seul pour entamer cette dernière étape. Elle avait décidé d’arrêter sa journée dans une auberge à 5 kilomètres de Santiago, nous avons marché ensemble jusqu’à sa destination. Monica maîtrisant moins bien l’anglais, on a communiqué en utilisant la traduction instantanée du téléphone, elle, parlant en portugais et moi en anglais. Une fois encore, la magie du camino a opéré. Toutes mes craintes à l’approche de Santiago et ma peur d’une foule indifférente et hostile se sont dissipées. Pour reprendre une expression très chère à Silvia de Milan, Monica a été mon « ange du camino » comme j’ai été celui de Silvia y a trois jours après le départ subite d’Elena. Monica, multiculturelle de mère brésilienne et de père japonais en est à son quatrième camino, elle contrôle bien la situation. Juste avant son auberge, à 5 kilomètres de Santiago, nous sommes arrivés à un belvédère, d’où elle m’a montré les trois flèches de la cathédrale, ça y est Santiago est bien en vue.
J’ai terminé, seul et heureux, les cinq derniers kilomètres vers Santiago en profitant de chaque pas. Sans n’avoir rien recherché ni provoqué, j’abordais la dernière ligne droite dans des conditions que je qualifierais d’idéales : facile dans les jambes, plus apaisé dans la tête, sous un soleil radieux et une température printanière de 23 degrés. Au bout d’une petite heure, après encore avoir traversé quelques rues piétonnes agréablement animées, je suis arrivé sur le parvis de la cathédrale, comme j’arrive à la fin de mes marathons remonté à bloc, la fatigue physique en moins. C’était un grand sentiment de plénitude que de vivre cet instant, seul, au milieu d’un parvis plus grand que celui de Notre-Dame plein de touristes et de pèlerins bienveillants. C’est un moment de bonheur rare pour moi au sommet d’un ascenseur émotionnel dont je comprends bien intellectuellement la fragilité mais dont je veux profiter pleinement. Je suis resté une petite heure sur la place avant d’aller chercher ma Compostella, le diplôme qu’on remet aux mains des pèlerins qui ont fait le chemin. Il est semblable à ceux que reçoivent les enfants à l’issue d’une bonne année scolaire à part qu’il est en formulé en latin à l’attention de « Rodigerium Kleitz »
Il me restait une petite heure pour rejoindre mon hôtel tout proche et faire ma lessive avant de retourner sur la place rejoindre Julien et Isabelle de Savoie. Ils étaient accompagnés de Louis du Québec et de Clément de Lyon. Je les avais croisés hier soir quand je suis arrivés à O Pedrouso. En transe, avec des tatouages à effrayer un épouvantail et un accent inqualifiable, Louis, accompagné de Vincent me demandait où ils pourraient trouver une auberge pour la nuit. J’étais un peu embêté et ne savais pas quoi leur répondre, moi qui avait choisi le chemin du confort hôtelier.
Nous avons fêté ensemble notre arrivée dans un des nombreux restaurants. Clément arrivé dès 11 beures nous a montré ses dessins. Après avoir rejoint une auberge, il est allé se faire tatouer une croix de Saint Jacques sur une jambe. Demain Louis ira se faire tatouer une coquille sur une petite place encore libre sur son avant-bras. En fin de repas, nous avons entonné Ulteia, le chant des pèlerins, Isabelle étant choriste, ce fut un plaisir pour moi. Louis fonctionne à l’économie après s’être fait voler son argent et ses papiers à Hendaye. Il a faili tout abandonner à l’époque et retourner au Québec. Ce soir il n’est arrivé qu’à 17 heures à Santiago, il a dû marcher lentement à cause d’un talon douloureux. Il a fait le tour des auberges, toutes étaient complètes même celle offrant 900 lits répartis dans 13 bâtiments alignés. Impossible aussi pour lui de dormir dans un parc comme il l’a fait souvent à cause des contrôles de police. Il restait une place qu’il n’a pas refusé, dans l’hôtel 5 étoiles « Parador des rois » , sur la place de la cathédrale. Il s’est offert « à l’insu de son plein gré », une nuit de rois à Santiago. Dès qu’il eut validé son enregistrement, un groom s’est précipité sur lui enlever son sac à dos, heureusement qu’il avait ouvert les lanières au préalable.
Demain journée à Santiago, dès 11 heures j’irai rejoindre la file d’attente avec Monica pour assister à midi à la messe des pèlerins puis en fonction des possibilités on aimerait faire une visite payante (?) pour touristes pour voir le Botafumeiro.
Le Botafumeiro, encensoir en laiton argenté, est haut de 1,60 m et pèse 54 kg. Il fut exécuté par l'orfèvre Losada en 1851.
À l'origine, cet encensoir servait à parfumer la cathédrale. Il pend à une corde sous le transept. À l'occasion de célébrations liturgiques spéciales et pendant l'Année Sainte Compostellane, au cours de la messe du pèlerin qui se déroule tous les jours à 12 h, les visiteurs peuvent contempler la singulière cérémonie du botafumeiro