101 — 11 août — Santiago Negreira 22,1 km
Première des 4 étapes vers Fisterra en roue libre et détendu. J’ai reçu une belle video de Laura de Colombie et de toute sa famille qui me touche et que je dédie a tous ceux qui ont cheminé avec moi.
Aujourd’hui, j’ai fait la connaissance de Steen, un autre jeune hollandais qui parcourt 40 kilomètres par jour pour faire des économies. Il m’a parlé de ses nombreux projets professionnels naissants de recherche appliquée dans flux de mots discontinu durant 20 minutes. J’ai aussi revu Daniel étudiant à Leiden, sa jambe douloureuse se porte mieux. Enfin, en entrant dans Negreira, je suis arrivé à la hauteur de Julien et d’Isabelle à la recherche d’une auberge, je les ai encore remerciés pour la soirée festive de mercredi à Santiago. En arrivant cet après-midi. j’ai fait un tour rà fraîchissant à la piscine.
Il me faudra sans doute encore quelques semaines pour tirer tous les enseignements de mon pèlerinage qui se termine lentement. Je suis heureux d’avoir pu le mener à son terme sans encombres ; ce qui vient maintenant n’est que du bonus et relève plus du SAS de décompression qu’autre chose.
J’y ai mis du mien, mais j’ai aussi été sous une bonne étoile, et même parfois un peu dans les étoiles avec mes anges du camino Roswitha au début, Silvia et Monica sur le primitivo, et tous ceux qui m’ont aidé à avancer. Je garde le contact avec certains, Missy&Joel, Isabelle&Julien, Laura&famille. D’autres, dont je garde en moi le souvenir, m’ont particulièrement marqués, Meghan d’Irlande, Laura de Kiel, Stéphanie de Luxembourg, Kim du Colorado, Bertine & Maaike de Hollande et j’en oublie.
Je réalise un rêve et aussi un objectif que je m’étais fixé il y a trois ans et trois mois sur mon lit d’hôpital, quand, pour tout horizon, j’avais la fenêtre de ma chambre : celui de redevenir comme avant. Je crois que c’est maintenant chose faite. Durant le camino, j’ai eu la grande chance de bénéficier d’un « droit à l’oubli » ; oubli ou presque de la structure métallique dans mon dos et oubli ou presque de mes soucis neurologiques. La aussi, si j’ai fait ma partie du chemin pour y arriver, je suis également sous une bonne étoile avec un « ange sauveur », le neuro-chirurgien Dr Benmekhbi. Il m’a réparé comme on répare un pantin désarticulé. Sa main n’a pas tremblé. Les deux barres en titane et les huit vis de plus de 4 centimètres de long chacune, bien serrés dans mes vertèbres lombaires, ont fait leur travail. Elle ont rendu à nouveau fonctionnelle ma colonne vertébrale et minimisé les impacts de mon syndrome de la queue de cheval, des lésions du système nerveux qui auraient pu m’enlever l’usage mes jambes et altérer durablement le fonctionnement de l’ensemble des organes du bas ventre, celui de la vessie en particulier.
La rééducation fonctionnelle a duré 18 mois. Elle a été entamée avec douceur et tact par le Dr Badina que j’ai eu l’occasion de remercier avant qu’elle ne quitte Colmar. Des séances régulières de kiné avec Thibaut ont complété l’œuvre du chirurgien. Cela n’a pas toujours été facile pour Régine qui m’a toujours soutenu et encouragé. Elvis, soutien de la première heure, m’a aidé à reprendre avec confiance le fil des projets un peu pharaoniques au travail où j’ai vécu des situations rocambolesques : mes habits de secours, gérés discrètement, m’ont parfois été utiles. Elvis m’a confié le jour du départ une pierre du mur de Berlin que je vais lui ramener dans le Valais quand j’irai y déguster ses vins. Les visites de suivi post opératoires se font de plus en plus rares, et les pertes de sensibilité de la peau ne sont pas pénalisantes. Je suis passé pas loin de la correctionnelle, j’en ai pleuré d’émotion le jour où j’ai retrouvé mon lit, à la maison, en rentrant de l’hôpital. J’ai pleuré à.nouveau le cinquième jour de mon camino dans l’église de Dannemarie, sans comprendre pourquoi, quand Christian m’a aidé à prier un notre-père puis aujourd’hui en écrivant ces quelques lignes. J’accueille très volontiers tous les compliments que je reçois et j’en suis très reconnaissant. Je ne les recherche pas ; l’envie et peut-être un besoin d’écrire et de partager une histoire, mon histoire, s’est imposée à moi dès l’hôpital comme un moyen d’extérioriser une rage intérieure que je saurais qualifier, peut-être celle qui m’a aidé à remonter rapidement la pente. J’ai parfois éprouvé des difficultés à trouver la bonne distance entre mon récit et l’expression de mes ressentis car le reportage en direct limite mon recul par rapport au défilement de mes pensées. Je peux à présent tourner cette page de mon histoire et passer à autre chose.
Demain direction Olveiroa.
Nous sommes confrontés à une longue étape, dans un environnement entièrement rural et avec beaucoup de dénivelés, bien que la plupart soient doux. Au cours des dix premiers kilomètres, nous traverserons des forêts luxuriantes de pins, de châtaigniers et de chênes, puis nous avancerons sur un territoire plus dégagé. À la fin, dans la descente du mont Aro, nous pourrons profiter de belles vues sur la vallée du Xallas et le grand réservoir de Fervenza.